Que contient vraiment le pain vendu en boulangerie ?

 

Le pain, on pense souvent que c’est de la farine, de l’eau de la levure et du sel. Ceci est la recette originelle qu’on essaie de reproduire à la maison en version sans gluten… Mais le produit qu’on nous vend aujourd’hui dans la plupart des boulangeries contient malheureusement beaucoup plus d’ingrédients : farine de fève, malt de blé, amylases fongiques, E300  et gluten d’ajout bien sûr !

Sans affichage clair de la composition du pain, le client lambda l’ignore. Mensonge par omission ? En tout cas, ces nombreux et étranges additifs n’inspirent pas confiance. Et on ne peut s’empêcher de penser qu’ils peuvent avoir un lien avec la croissance de l’intolérance au gluten…

 

Contexte d’évolution de la composition du pain

Les années 80 voient l’accélération de l’industrialisation de la boulangerie : des fermentations rapides, le délaissement du levain au profit de la levure… Conséquence : le travail est simplifié pour le boulanger tandis que le pain devient de plus en plus fade et perd sa capacité de conservation. Pour corriger cela, la quantité de sel est augmentée pour rehausser le goût de même que la diversité des additifs.

Face à cette perte notoire de qualité du pain, les boulangers artisanaux se mobilisent et obtiennent en 1993 le « décret pain », un texte de loi qui réglemente la composition de deux types de pains : le pain au levain et le pain de tradition française. On recense parmi les ingrédients autorisés la farine, le sel, l’eau, la levure ou le levain bien sûr mais aussi cinq adjuvants dits “naturels” (farine de fève, farine de soja, gluten, malt, levure désactivée) ainsi qu’un auxiliaire technologique (amylase fongique). Comme il s’agit de la réglementation la plus restrictive en France et en Union Européenne, je vous laisse imaginer la composition des autres pains qui n’est pas si sévèrement encadrée…

 

Un grand nombre de correcteurs dans la recette du pain mais pour corriger quoi ?

Le pain d’aujourd’hui comporte un grand nombre de correcteurs, naturels ou chimiques, ajoutés pour la plupart au moulin lors de la transformation du blé en farine. L’objectif est double :

  1. Obtenir une farine de qualité constante malgré les bonnes ou mauvaises récoltes ou bien le vieillissement du grain lors de sa conservation au fil des mois qui passent…
  2. Faciliter le travail du boulanger avec une pâte plus souple, qui lève plus vite tout en résistant bien aux pétrins puissants d’aujourd’hui pour donner jour après jour un pain standardisé avec la couleur attendue, la mie satisfaisante et régulière, la croûte convenable malgré les aléas qui peuvent survenir (ex : météo).

 

Rôle précis des correcteurs les plus courants

Les 5 « adjuvants naturels »

Gluten de blé -> Le gluten est naturellement présent dans la farine de blé à hauteur de 8 à 12 % mais les boulangers et/ou les minotiers en rajoutent souvent pour augmenter la force de la pâte et le volume des pains. Car le gluten, c’est ce qui rend la pâte à pain élastique et lui permet d’emprisonner les bulles de CO2 fabriqué par les levures. En bref, l’ajout de gluten améliore même la farine la plus bas de gamme. Concernant la quantité de gluten à ajouter, le législateur indique QS (Quantité Suffisante), ce qui est très vague et laisse le boulanger libre de faire ce qu’il veut…

Farines de fève ou de soja -> Autorisées à raison de 0,5 et 2% respectivement, ces farines de légumineuses contiennent une enzyme (la lipoxygènase) qui blanchit et assouplit la pâte, renforce le réseau de gluten donc l’élasticité.

Malt de blé -> Il s’agit d’une sorte de farine de blé ou d’orge germé qui accroît la fermentation et la coloration de la croûte grâce à un apport supplémentaire d’amidon et d’amylases qui transforment l’amidon de la farine en maltose. Son incorporation se fait en meunerie comme en boulangerie à hauteur de 0,3% du poids de farine.

Levure désactivée -> ferment réducteur qui augmente le lissage et l’extensibilité des pâtes.

Les améliorants industriels

Plus on s’éloigne de l’appellation « pain de tradition française », plus la liste des produits autorisés s’allonge : environ 14 dans le pain courant français (pain blanc de base) et plus de 100 dans les viennoiseries et brioches. Parmi ces améliorants, on distingue les auxiliaires technologiques des additifs.

Les auxiliaires technologiques regroupent principalement des enzymes. Ils ont les mêmes effets que les additifs mais sont dégradés à la cuisson, ce qui évite d’avoir à les signaler sur l’étiquette du produit final. Parmi eux :

  • l’amylase fongique (obtenue par culture de moisissure) accélère la fermentation et colore la croûte du pain. Aucune règle de dosage n’est fixée.
  • les hemicellulases qui activent la fermentation et améliorent la conservation.

Les additifs sont codifiés par un nom en E___ ou E___…. En voici quelques uns des plus courants dans le pain :

  • L’agent de traitement de la farine E300, c’est le nom de code de l’acide ascorbique plus connu sous l’appellation vitamine C. Elle permet, entre autres choses, d’augmenter la force de la pâte et de diminuer le temps de pointage (la levée de la pâte grâce au CO2). Malheureusement, si on raccourcit cette étape, on perd de la saveur…
  • L’E322, ou farine lécithinée (extrait gras du soja), est un émulsifiant qui rend la mie moelleuse et légère et augmente le volume du pain.
  • E471ou monostéarate de glycérol -> dérivés d’acides gras qui permettent de retarder le rassissement, d’augmenter le volume des pains et de lutter contre le cloquage de la croûte.
  • L’acide citrique (E330) qui diminue le collant de la pâte.

 

 

Voulons-nous de tous ces améliorants ?

Souvent ignorée des consommateurs (mensonge par omission ?), la présence de ces multiples améliorants dans le pain n’a pas vraiment de quoi réjouir.

Certes, boulanger est un métier difficile mais ce qui fait justement sa beauté, c’est le fait de produire son propre pain qui ne ressemble pas forcément à celui de la boulangerie d’en face… Un peu comme pour les restaurants : s’ils proposent tous la même nourriture standardisée, quel intérêt ?

Par ailleurs, les jeunes boulangers d’aujourd’hui apprennent leur métier avec toutes ces béquilles technologiques sans les remettre en question. Ils ne savent pas faire sans. Où est la transmission du métier originel ? Est-ce la perte du savoir-faire ?

Enfin, l’ajout de tous ces améliorants peut avoir un impact sur la santé humaine. Si les additifs sont de plus en plus décriés par les associations de consommateurs, l’enrichissement systématique des pains en gluten constitue sans doute l’une des causes des sensibilités et intolérances si répandues… Il ne s’agit certes pas de la seule explication (consulter cet article plus complet sur le sujet) mais on ne peut nier que la composition du pain d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle du siècle dernier…

 

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3 Comments

  1. Mystoo avril 2, 2019 12:59 pm Répondre

    Je ne sais pas à quoi c’est dû, mais quand je mange du pain de boulangerie, j’ai souvent ensuite des effets particuliers comme fatigue, sudation plus importante, soucis digestifs… Pas de souci avec du vrai pain bio au levain ou du pain fait maison.
    J’ai d’abord pensé au gluten mais n’ayant pas de problème justement avec du “vrai” pain (maison ou bio), je pense que je réagis plutôt à un de ces additifs.
    Bref, en tout cas cet article est très intéressant car il rejoint ce que je pense du pain aujourd’hui, du métier de boulanger (qui n’est pour beaucoup plus habitués à créer du pain sans additifs)… Le consommateur allant quotidiennement chez son boulanger pense acheter un produit fait main, sain et “naturel” alors que finalement, c’est peut être un poison quotidien qui est ingéré par la majorité des consommateurs.
    Et puis bon, quand on a goûté du “vrai” pain, c’est le jour & la nuit quand on compare au pain de boulangerie…

  2. Sylvie avril 2, 2019 7:15 pm Répondre

    Très bon article Victoria, pour moi qui suis coeliaque le problème ne se pose pas ! Et finalement je suis bien contente après avoir lu cet article de manger sans gluten…
    Quand à mon entourage et surtout mon mari : il fait son pain comme moi !!! Meme notre fils s y est mis ….
    À l heure ou les épiceries et petits commerces recommencent à faire leur apparition on peut espérer de revoir de bons boulangers !
    Merci Victoria.

  3. Isa avril 4, 2019 3:39 pm Répondre

    Merci Victoria pour cet article très intéressant, j’ai appris plein de choses. cet article me conforte dans ma démarche d’acheter mon pain au levain (petit épeautre pour moi, je le supporte bien) chez un artisan boulanger.

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